Accueil A la une Stationner à Tunis : entre sabots, remorquages et cauchemar quotidien

Stationner à Tunis : entre sabots, remorquages et cauchemar quotidien

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Le chroniqueur Moez Ben Othmane a révélé, lundi 13 octobre 2025 sur les ondes de la Radio Nationale, que près de 80 % des opérations de remorquage effectuées dans la capitale tunisienne se déroulent en violation flagrante de la loi, en l’absence de l’officier de police judiciaire dont la présence est pourtant obligatoire.

Avec 125,000 véhicules remorqués chaque année, soit environ 400 par jour, et 106,000 sabots posés, correspondant à quelque 340 contraventions quotidiennes, Tunis serait devenue, selon lui, le théâtre d’une véritable « mafia du stationnement » qui opère en toute impunité depuis plus de vingt ans.
Ben Othmane a dénoncé un contrat qu’il juge désastreux entre la Municipalité de Tunis et plusieurs entreprises privées chargées du remorquage et de la pose de sabots. « Comment peut-on accepter qu’une municipalité ne perçoive que 5 % du chiffre d’affaires d’entreprises qui utilisent son nom et ses prérogatives ? », s’est-il indigné. Malgré un volume d’activité colossal depuis 2003, aucune de ces sociétés n’a déclaré de bénéfices substantiels, la plupart affichant des pertes continues. Une seule exception a été enregistrée en 2015, année durant laquelle un bénéfice de 549 millions de dinars avait été réalisé, « parce qu’il y avait alors un contrôleur municipal qui travaillait consciencieusement », a précisé le chroniqueur, affirmant détenir des preuves tangibles de corruption.
Le cœur du problème réside, selon lui, dans l’irrégularité manifeste des procédures. La loi impose la présence d’un officier de police judiciaire ou d’un agent assermenté pour valider toute opération de remorquage ou de pose de sabot. Or, 70 % des interventions dans le secteur de Bab Bhar et 80 % dans l’ensemble de la capitale s’effectueraient sans cette supervision légale. Les employés, souvent issus d’entreprises privées, n’ont en réalité aucun droit d’agir sans l’aval d’une autorité habilitée. À cela s’ajoute l’absence quasi totale de contrôle municipal : « Certains contrôleurs municipaux pointent le matin et partent ensuite faire du taxi, pendant que des agents privés posent des sabots en toute illégalité », a-t-il déploré. L’illégalité s’étend même au matériel utilisé, certains véhicules de remorquage circulant depuis plus de trente ans sans avoir subi de visite technique.
Sur le plan réglementaire, l’enlèvement d’un véhicule n’est conforme à la loi que si une signalisation spécifique, représentant une dépanneuse et indiquant le lieu de la fourrière, est clairement affichée en plus du panneau d’interdiction de stationnement. Dans les faits, cette signalisation est souvent absente, et des véhicules sont parfois enlevés dans des zones où le remorquage est lui-même interdit. Les citoyens concernés se voient simplement conseiller de déposer plainte, une démarche rarement couronnée de succès. Les horaires d’intervention du remorquage demeurent eux aussi flous, certaines sociétés opérant jusqu’à 18 h, 19 h voire 20 h, y compris le samedi, sans qu’aucune information claire ne soit fournie au public.
Le coût de récupération du véhicule a été jugé « largement disproportionné » (70 dinars) par le chroniqueur, qui a également pointé l’absence de clarté quant à la responsabilité en cas de dommages causés lors du remorquage. Par ailleurs, les entreprises impliquées n’auraient pas présenté leurs bilans financiers pour les trois dernières années, en violation de leurs obligations légales. Pour Ben Othmane, cette opacité financière traduit l’existence d’un système profondément corrompu, où des sociétés déficitaires depuis plus de vingt ans continuent malgré tout de payer leurs redevances et de conserver leurs concessions.
Face à cette situation, Moez Ben Othmane a appelé à une réforme urgente et à une reprise en main du secteur par la Municipalité de Tunis. « Il est impératif que la municipalité reprenne la main sur ses prérogatives et ses biens », a-t-il martelé, réclamant un audit complet des contrats et des entreprises concernées. Il a également suggéré d’adopter des solutions numériques modernes pour optimiser la gestion du stationnement et de revoir les tarifs à la baisse, proposant de ramener le coût de récupération d’un véhicule de 50 à 20 dinars. Selon lui, une telle mesure pourrait paradoxalement améliorer le rendement du système et mettre un terme à un réseau d’irrégularités et de pratiques douteuses qui gangrènent depuis trop longtemps la capitale tunisienne.

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